"Petit Ange. C'est comme ça que nous l'appellerons." murmura Saison Douce, le cœur gonflé de bonheur.
Sa dernière chatonne était la seule survivante de toute la portée. Elle était malheureuse d'avoir perdu ses bébés les plus robustes, mais elle prendrait soin de la plus fragile.
C'est comme cela que la petite grandit, entourée par ses parents qui lui donnaient tout l'amour possible et imaginable.
Petit Ange était assez pourrie gâtée, c'était la "petite princesse".
Cela lui attirait les foudres de ses camarades de tanière.
"
Viens jouer avec nous !" s'exclama Petit Pin*, un jour.
Après avoir demandé l'autorisation à sa mère, la chatonne gris-perle rejoignit le mâle et Petite Cerise*.
Ils arrivèrent dans un petit coin du camp.
"
Mais on peut pas... Aller jouer ailleurs ?" demanda la fille de Cœur Enflammé, d'une voix peu assurée.
Mais les autres tenaient leur proie hors de portée des adultes, ils comptaient en profiter.
"
Nan. T'es chiante, à cause de toi, on prend tout dès que TU fais une bêtise. On va te faire regretter." répondit Petit Pin*.
Il fit un signe de tête à sa sœur, Petite Cerise, qui lui mit sa patte sur la bouche, pour l'empêcher de crier.
L'autre sortit lentement ses minuscules griffes.
Il les planta dans le flanc de Petit Ange.
Faible et ne pouvant pas crier, elle contorsionna. Sans effet.
Petite Cerise la frappa à son tour. Elle lui fit une cicatrice derrière l'oreille.
Malgré que ses griffes étaient minuscules, cette blessure la marqua. Pour la vie.
La chatonne gris-perle réussit finalement à donner une grosse bourrade à l'autre femelle, qui tomba. Les rôles étaient à présent inversé.
Celle du dessus mordit celle du dessous. Elle sentit le goût du sang dans sa bouche, qui l'excita.
Elle frappait Petite Cerise. Encore. Encore. Encore.
Tellement que Petit Pin la supplia d'arrêter. Mais, voyant qu'il était devant un monstre assassin sans cœur, il poussa un hurlement qui retentit dans tout le camp.
Saison des Pluies* arriva finalement.
"
Qu'est-ce qu'il se pa... elle s'interrompit et vit la silhouette de Petite Cerise couverte de blessures.
Petit Ange ! Recule ! C'est un ordre !"
La petite tourna la tête vers la guerrière. Ses yeux étaient vides et inexpressifs. Finalement, elle s'écroula sur le sol.
***
"
Où suis-je ?" demanda Petit Ange d'une voix faible à la guérisseuse qui était devant elle.
"
Dans ma tanière. Dors, maintenant."
La chatonne s'exécuta.
Et c'est dans son sommeil qu'elle se souvint de tout.
(En italique, c'est son rêve.)
Petit Ange se leva et regarda un corps de chaton sur le sol.
PETITE CERISE ! CA VA ?
Oui, la chatonne qu'elle avait elle-même mise entre la vie et la mort était aplatie comme une crêpe sur l'herbe.
Elle se leva et tourna son regard vide, sans yeux, vers la chatte gris-perle.
"Justice sera rendue pour ton crime. N'oublie jamais ce que tu m'as fait. A cause de toi, j'ai perdu la vue. Tu m'as tordu la patte. Tu m'as arraché la fourrure sur le ventre. Tu as détruit tout ce que j'avais de plus précieux.
Petit Pin est devenu fou.
Je ne suis pas morte. Je resterai toujours dans la Tanière des Anciens. Je ne deviendrai jamais guerrière. Je ne verrai jamais la forêt. Tout est de Ta faute."
"TU MENS !" hurla l'autre.
"Tu ne rejoindras jamais le Clan des Étoiles."
Insinuait-elle que Petit Ange irait dans la Forêt Sombre ? Cet endroit qui n'est là que pour effrayer les chatons pas sages ? C'était impossible !
"Je ne te crois pas, Petite Cerise ! Tu m'as toujours été agréable... Je ne t'ai pas fait ça ! sanglota-t-elle finalement.
- Tu verras bien à ton réveil..."
Et elle disparut.Petit Ange se réveilla en sueur.
Heureusement, ce n'était qu'un mauvais rêve. Elle pourrait devenir guerrière avec son amie ! (Elle pensait qu'l'autre l'aimait bien en fait...)
Elle se redressa et regarda autour d'elle. Elle n'était pas dans la Pouponnière !
"
Rendors toi, petite. Tu n'es pas encore prête pour aller dehors..." miaula-t-elle d'une voix douce.
"
NON ! Qu'est-ce qu'il y a, à la fin ? J'ai le droit de savoir !" rétorqua Petit Ange. Elle en avait marre qu'on ne lui dise pas ce qu'il se passe.
La chatte la regarda un instant et dit :
"
C'est vrai. Tu as raison.
Eh bien... Tu t'es jetée sur Petite Cerise et l'a terriblement blessée... On ne sait pas ce qui est passé par ta tête. Le chef (c'était qui ? ) veut te voir à ce propos."
Je vais me faire exiler ! Mais... c'est impossible que j'ai fait une chose pareille ! Tout le monde va me détester !"
Qu... Qui est au courant ? ..." bégaya-t-elle.
"
Seulement moi, notre chef, Petit Pin et Petite Cerise. Elle dort encore, ne t'inquiète pas.
- Et que va-t-il m'arriver ?
- Je n'en sais rien. Vas-y vite. acheva la guérisseuse.
La chatonne déguerpit.
Elle appréhendait son entrevue avec son chef, mais était contente de ne pas avoir tué Petite Cerise.
Heureusement que Papa et Maman ne sont au courant de rien... pensa-t-elle avec amertume.
La tanière du leader fut en vue.
Elle entra.
"
Petit Ange. commença-t-il d'une voix harmonieuse et totalement calme. Qui était probablement le calme avant la tempête.
Je t'attendais. Assieds-toi donc sur cette mousse."
La petite s'exécuta. Elle avait peur.
"
Sais-tu pourquoi tu es là ?
- Oui..." répondit-elle d'une voix peu assurée.
"
C'est grave, tu es d'accord. sa voix commençait à changer.
Tu dois être punie...-
Je le sais." Petit Ange se sentit envahie par un calme sans nom.
Le chef, assez peu patient, commença à s'énerver. Une simple
chatonne lui tenait tête et n'avait pas peur de lui !
"
BAISSE LES YEUX ! UN ASSASSIN N'A PAS A ME REGARDER ! feula-t-il.
La petite s'exécuta.
Tu sais, je ne vais pas être gentil avec toi. reprit-il d'une voix mielleuse.
EXIL ! Si nous te revoyons sur notre territoire, tu seras tuée tout de suite. C'EST CLAIR ?!"
Petit Ange pensait que ses larmes allaient couler toute seules. Mais non. Elles ne vinrent pas.
Après tout, elle le méritait.
Mais par chance, ou par malchance, la chatte ne le sait même pas aujourd'hui, quelqu'un entra dans l'antre du chef.
La guérisseuse.
"
Tu ne peux pas exiler un chaton. Petit Ange mourrait.
- Je n'en ai rien à faire ! ET JE NE TE DEMANDE PAS TON AVIS !"
Magie de la Forêt* (Ouais, j'ai inventé le nom de la guérisseuse... No comment pliz
... ) planta ses yeux dans ceux du leader assez cruel.
"
Elle ne voulait pas le faire. Et tu es obligé d'écouter ta guérisseuse. elle se tourna vers la chatonne à moitié effrayée par ce qu'il se passait.
Nous avons décidé que la voie de guerrière te sera interdite. Si tu ne peux pas te contrôler, nous risquons de nous attirer les foudres des autres Clans. Tu seras mon apprentie."
Etait-ce une bonne chose ?
Bonne question...Mais elle envoya un sourire heureux à sa sauveuse.
Elle ne voulait pas mourir maintenant.
Mais le passé ne s'oublie pas.
Même si tout le monde dit à la Tribu que Petite Cerise avait été attaquée par un renard (d'ailleurs, heureusement, elle avait oublié ce qu'il s'était passé), et que Petit Ange avait essayé de la sauver, les souvenirs restaient.
Et comment oublier la mort funeste de Petit Pin ?
Celui-ci, après avoir vu un monstre essayer de tuer sa sœur, était devenu fou. Il confondait tout. Et mangea par erreur des baies empoisonnées.
Quant à la victime principale, Cerise, elle devint amnésique. Elle rejoignit la tanière des Anciens dans laquelle elle passa sa vie.
Ce passé était assez lourd.
Petit Ange perdit aussi ses deux parents, qu'elle n'avait pas réussi à soigner lorsqu'il y avait eu une épidémie de mal vert.
Son nom d'apprentie fut Nuage Angélique. Mais avec tout ce qu'elle avait causé, elle pensait qu'elle ne le méritait pas. Ce qui était peut être vrai, après tout.
Finalement, Magie de la Forêt lui apprit tout ce qu'il fallait savoir.
Et son apprentie donnait le meilleur d'elle-même.
Lorsqu'elle partit chasser avec le Clan des Etoiles, elle était sûre de laisser son Clan entre de bonnes pattes.
Ange de Pluie devint alors guérisseuse.
Elle décidait d'oublier son passé. Ce qui était difficile.
Et lorsque les feuilles tombent, lorsqu'elles jaunissent, elle pleure.
Les larmes coulent d'elles-mêmes.
En vieillissant, elle devint "intouchable". Elle ne parlait pas trop et se moquait de ceux qui venaient se plaindre d'une épine dans la patte. Pourtant, elle les soignait.
C'était son devoir.
Et elle se rachèterait.